Le théâtre Outremont est une salle de cinéma à l'ornementation Art déco érigée en 1928. L'immeuble en béton armé se compose de deux corps de bâtiment rectangulaires juxtaposés : un premier aux deux étages clairement délimités en façade; un second massif, dont la hauteur équivaut à quatre étages à l'arrière, d'où excède la cage de scène. L'ensemble est coiffé d'un toit plat. À l'avant, le premier corps s'habille d'un revêtement de panneaux de terre cuite et comporte une fenestration abondante qu'encadrent des pilastres cannelés et une frise décorative; le second corps, aveugle et presque sans décor, est couvert de brique jaune. Le théâtre Outremont se situe en bordure d'une rue à fonction commerçante et résidentielle, dans l'arrondissement d'Outremont de la ville de Montréal.
Ce bien est classé immeuble patrimonial. Il est également cité immeuble patrimonial et désigné lieu historique national du Canada.
Le théâtre Outremont présente un intérêt patrimonial pour sa valeur architecturale. L'architecture des cinémas antérieure à 1940 se divise en trois phases: les scopes et les théâtres cinématographiques (salles adaptées au cinéma comme genre mineur, 1895-1915), les super palaces et les palaces de quartier (palaces cinématographiques, 1915-1930) et les salles des années 30 (standardisation, 1930-1940). Durant la deuxième période, l'industrie du cinéma s'affirme et on assiste à la création d'un type architectural propre aux représentations cinématographiques, qui emprunte néanmoins sa monumentalité à l'architecture théâtrale du XIXe siècle. Conçus par des architectes et des décorateurs réputés, ces édifices invitent à l'évasion. Le théâtre Outremont reflète le palace de quartier, notamment par ses deux volumes juxtaposés, ses multiples espaces intérieurs, sa façade richement ornée, sa salle au décor somptueux et sa scène peu profonde conçue aussi pour accueillir certaines représentations théâtrales, comme le vaudeville. Ce théâtre constitue la meilleure illustration au Québec des cinémas de la fin des années 1920 et symbolise l'architecture cinématographique à son apogée. La valeur architecturale du théâtre repose également sur son rattachement au courant fonctionnaliste et à l'esthétique Art déco. Le fonctionnalisme, qui naît au tournant du XXe siècle, subordonne la forme à la fonction et fait appel à des techniques ainsi qu'à des matériaux nouveaux. Le théâtre Outremont reflète cette théorie par la juxtaposition des deux volumes en accolade plutôt qu'en enfilade facilitant ainsi la lisibilité des fonctions, l'emploi d'une charpente en béton armé ainsi que l'utilisation de panneaux de terre cuite pour le volume avant et d'un parement de brique pour le volume arrière. La partie avant comprend, au rez-de-chaussée, des espaces publics et le « lobby »; à l'étage, se trouvent les bureaux ainsi que les loges des artistes. La partie arrière englobe le foyer principal, une salle de détente et, du côté est, la salle de spectacle et la scène, qui occupent tout le volume. Créé en France, le style Art déco connaît son apogée lors de l'Exposition internationale des arts décoratifs et industriels modernes de Paris (1925). Le théâtre Outremont en est une illustration par la verticalité de ses lignes et l'utilisation de pilastres peu saillants avec médaillons ainsi que d'ornements stylisés. L'immeuble se révèle donc d'une étonnante modernité.
Le théâtre présente aussi un intérêt pour la valeur artistique de son décor intérieur. Entre 1915 et 1930, le décor des salles de cinéma s'inspire de tendances internationales, dont les styles Adam, atmosphérique, exotique et Art déco. Celui du théâtre Outremont puise à plusieurs tendances. Les pilastres et les fausses fenêtres à arc surbaissé empruntent au vocabulaire classique, les fresques aux paysages idéalisés reflètent le style atmosphérique et les motifs géométriques de même que les figures féminines se rattachent à l'Art déco, l'ensemble formant un décor d'une grande richesse.
Le théâtre présente en outre un intérêt pour sa valeur historique reposant sur son association avec l'architecte René Charbonneau (1881-1969) et de le décorateur Emmanuel Briffa (1875-1955). Charbonneau débute comme dessinateur chez l'architecte montréalais Joseph Sawyer (né en 1874), puis ouvre un bureau à Montréal en 1909. Il est à l'origine d'une dynastie d'architectes qui réaliseront quelque 1600 projets à travers le Québec en huit décennies. Le théâtre Outremont constitue l'une de ses oeuvres maîtresses. Briffa est originaire de Malte et étudie l'art en Italie. Artiste réputé, il participe à la décoration de plus de 200 salles de cinéma en Amérique. Le théâtre Outremont est considéré comme son oeuvre la plus originale et la plus personnelle.
Source : Ministère de la Culture et des Communications du Québec, 2004.
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